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new order - Page 2

  • La carte postale du jour...

    "Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre."
    - Marcel Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs

    lundi 18 mai 2015.jpg

    Je me souviens d'avoir longtemps rangé le premier maxi et le premier album de New Order avec les disques de Joy Division pour former un sorte de triptyque comme en peinture, composé de paires, avec l'album Unknown Pleasures et le 45tours Transmission, puis Closer et le 45tours Love will tear us apart, et, sans la présence de Ian Curtis, Movement et Ceremony, cette dernière étant en quelque sort une suite posthume accouchée dans des conditions plus que particulières, parce qu'il fallait bien continuer.

    Je me souviens bien que dans son livre intitulé Joy Division : Piece by Piece, l'écrivain journaliste Paul Morley décrit Love will tear us apart comme la meilleure chanson du monde, puis, une page plus loin, dit de Ceremony qu'il s'agit de la meilleure chanson du monde (comme ça tout le monde est content).

    Je me souviens aussi que cette chanson n'a été jouée qu'une fois en live du vivant de Ian Curtis, et qu'après sa disparition, les membres restant du groupe - devenu New Order -, ont du réécouter bon nombre de fois la cassette démo où elle était enregistrée pour pouvoir retranscrite son texte et se le réapproprier correctement, et que dans le cas similaire de la pochette de l'album Closer, très solennelle mais n'ayant aucun rapport direct avec la mort de Ian Curtis, le titre Ceremony renvoie bien sûr au chanteur suicidé alors que c'est une chanson qui parle d'amour, avant tout, et écrite de son vivant :

     

    This is why events unnerve me,
     They find it all, a different story,
     Notice whom for wheels are turning,
     Turn again and turn towards this time,
     All she ask's the strength to hold me,
     Then again the same old story,
     World will travel, oh so quickly,
     Travel first and lean towards this time.

     Oh, I'll break them down, no mercy shown,
     Heaven knows, it's got to be this time,
     Watching her, these things she said,
     The times she cried,
     Too frail to wake this time.

     Oh I'll break them down, no mercy shown
     Heaven knows, it's got to be this time,
     Avenues all lined with trees,
     Picture me and then you start watching,
     Watching forever, forever,
     Watching love grow, forever,
     Letting me know, forever. 

    https://www.youtube.com/watch?v=tq1m-d5c41Q

    Dans ce court roman, qui s'apparente à un monologue intérieur, Bertrand Schefer parle d'enterrement sans jamais prononcer ce mot, auquel il préfère Cérémonie. Dans un style sobre et délicat, il déambule dans Paris et dans Rome, mais aussi dans ses souvenirs, ses années de débauches notamment. C'est aussi une bonne façon de parler du frère, de l'oncle et d'autres personnes encore, d'acheter un beau costume, de parler de l'absente, de comprendre la relation qu'il entretenait avec, d'afficher, à l'extérieur du moins, une peine détachée, jusqu'aux obsèques où il fait ce constat final : il faudra bien continuer. Les éditions POL nous ont habitués à de beaux textes modernes sur la mort - Perfecto de Thierry Fourreau ou, bien sûr, le magnifique Suicide d'Édouard Levé -, et Cérémonie vient s'ajouter à cette liste de publication, pour le plaisir du lecteur pour qui écriture rime avant tout avec littérature, celle-là même qui est l'opposée de l'éphémère et de l'urgence, du temps présent et de l'actualité, celle où l'on peut se perdre, celle de Virginia Woolf (Promenade au phare) ou Julien Gracq (Le Rivage des Syrtes)... 

     

    extrait de Cérémonie, de Bertrand Schefer :

     

    "Nous nous sommes vus pendant près de dix ans et pendant deux ou trois ans, je ne saurais dire combien de temps exactement, car tout se déréalisait de mois en mois, nous avons pour ainsi dire cohabité au milieu des disques et de l'alcool, toujours plus bas à chaque visite, mais tenant des discours qui semblaient aussi de plus en plus lucides, des paroles aiguës et acérées sur les productions musicales et littéraires, sur les connaissances, les fausses amitiés, les tentatives amoureuses désespérées, sur ceux qui perçaient et ceux qui s'effondraient, et rien ne semblait à la hauteur de nos exigences car nous raisonnions de plus en plus vite dans les méandres du son qui nous portait, dans le mélange d'alcool et de fumée qui ouvrait de nouvelles perspectives à l'intelligence des choses et nous permettait de déchiffrer l'actualité, les textes et les tendances du moment. Nous avions du mal à interrompre le vertige de cette descente une fois engagée dedans, et c'était toujours la même chose, englués dans la critique de tous les systèmes, des échecs et des réussites, il fallait chaque fois attendre la fin d'un morceau et la dernière goutte d'une bouteille pour réussir à nous arracher au milieu de la nuit à ce monde fait de bribes de phrases lancées dans les vides et conclure par une formule incantatoire, toujours la même : il faut s'y mettre."

     

  • La carte postale du jour...

    "Le vide produit le froid et le froid me hérisse de glaçons. Le souffle du printemps, la chaleur des affections, redonnerait à mon sang la circulation, à mon âme l'espérance, à mon imagination la verve, à tout mon être l'élan."
    - Henri-Frédéric Amiel, Journal intime, Samedi 12 février 1853

    jeudi 1 janvier 2015.jpg

    Je ne me souviens pas trop comment je suis tombé sur L'Avenir, mais dès que j'ai vu que cet artiste - Jason Sloan - était originaire de Baltimore, la ville du cinéaste John Waters que j'adore, mon intérêt à grandi, et lorsque j'ai vu une photo du musicien affublé d'un t-shirt The Cure période A Forest, et que j'ai écouté sa reprise de Truth de New Order, alors j'ai su que nous étions faits l'un pour l'autre (façon de parler).
    Je me souviens bien qu'outre l'influence mélancolique et froide de The Cure des (meilleures) années 80-81 (Seventeen seconds, Faith), j'ai trouvé dans la musique de L'Avenir des réminiscences fortes de Kraftwerk (RadioAktivität, Spiegelsaal), d'Orchestral Manoeuvres in the Dark (Statues, Seeland) et aussi de Nine Circles (pour les fins connaisseurs de bonne minimal-wave).
    Je me souviens aussi d'avoir été véritablement épaté par l'utilisation d'une myriade de synthés vintage pour cet enregistrement publié sur un beau vinyle blanc, et que dès le début de The Wait et son titre introductif, Umbra, je me suis senti happé dans cet univers froid et triste, très minimal, très vague...

    https://soundcloud.com/belaten/lavenir-aral-sea-1

    Adorno a déclaré qu'"Après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare", ce à quoi a répondu le facétieux écrivain hongrois Imre Kertesz : "je nuancerais, toujours en termes généraux, en disant qu’après Auschwitz, on ne peut plus écrire de poésie que sur Auschwitz". Me vient alors cette question : après Vassili Grossman et Varlam Chalamov, peut-on encore écrire sur les goulags et la Grande Terreur ? Evidemment oui, et cela, Olivier Rolin l'a bien compris, lui qui est passionné par la Russie depuis les années 80 (je me remémore avec plaisir son livre de 1987 sobrement intitulé En Russie - inspiré du récit publié plus de cent ans auparavant par le Marquis de Custine -, livre où Rolin donnait une poétique description de l'empire soviétique avant qu'il ne s'effondre quelques années plus tard).

    À la fin des années 2000, Olivier Rolin se rend sur les îles Solovki, tristement connues pour leur goulag, il en ressortira un film documentaire pour ARTE (La bibliothèque perdue des Solovki - très bien d'ailleurs), un livre de photos, et ce livre sur l'un des détenus, un homme dont, comme le dit l'auteur, le "domaine, c'était les nuages". Le Météorologue est donc un récit-biographique, celui d’Alexéï Féodossévitch Vangengheim, victime de la Grande Terreur stalinienne (1937-1938). Rolin en tire un portrait magnifique (les dessins qu'envoyait Vangengheim à sa fille, reproduits en fin d'ouvrage) et triste (dans presque chaque lettre il dit à quel point il ne perd pas  confiance dans le parti), et rejoint Patrick Deville et Emmanuel Carrère dans le genre bio-fiction très réaliste, menée comme une enquête policière, quoique savamment romancée, parfois même poétisée. C'est beau, même si ça reste tragique. Un livre d'importance, sans aucun doute, parmi les meilleurs sortis cette année sur ce sujet, avec La Limite de l'Oubli de Sergeï Lebedev. Voici un extrait qui me semble représentatif de ce livre d'Olivier Rolin :

    "Pourtant, son innocence, il la proclame de nouveau, revenant sur ses faux aveux. "Pour un vrai coupable, ce genre de démarche ne pourrait s'expliquer que par l'idiotie et la folie." Je pense que c'est cette perversion-là surtout qu'il désigne quand il met en cause "la méthode des interrogatoires" : une brutalité logique plutôt que des brutalités physiques, une inversion angoissante du vrai et du faux. C'est ce qui rend émouvants ces textes : on y voit un homme, en se débattant, s'enfoncer dans les sables mouvants. Et il y a tout de même, à côté de beaucoup de confusion, de méandres, de répétitions tâtonnantes, des phrases qu'on n'est pas habitué à lire dans les documents soviétiques de ces années-là, et qui montrent qu'il ne rentre décidément pas dans le rôle de saboteur-espion repenti qu'on veut lui faire jouer, qu'il a endossé dans un moment de faiblesse : "Les innocents arrêtés font dans la plupart des cas de faux aveux", "il existe inévitablement nombre de cas où des innocents ont été accusés tandis que de vrais criminels échappaient à la justice". Émouvante aussi est la conscience qu'il a que sans doute la partie est perdue : "Il est bien possible que mes forces soient insuffisantes pour venir à bout de l'ordre des choses établi depuis des années." Et il termine en latin : Feci quod potui, faciant meliora potentes, "J'ai fait ce que j'ai pu, que ceux qui peuvent fassent mieux" (phrase qu'on trouve dans la bouche de Koulyguine, le mari de la Macha des Trois Sœurs). "Ma conscience est pure." "

     

  • La carte postale du jour...

    "Nous trouvons de tout dans notre mémoire : elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux."
    - Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe

    dimanche 21 décembre 2014.jpg

     

    Je me souviens d'avoir découvert la musique de The Wake en 1990 avec leur album Make it loud et surtout son titre d'ouverture - English rain - qui reste aujourd'hui encore l'un de mes favoris, puis, en remontant dans leur discographie, j'ai pu constater que leur œuvre reflétait à merveille l'évolution de la pop indépendante des années 80, commençant d'abord avec un album de post-punk aux consonances froides rappelant clairement Joy Division, puis la new-wave synthétique et mélancolique de New Order, subtilement mâtinée de dub, référence que je retrouve dans l'album Here comes everybody justement, jusqu'à Make it loud et un son indie-pop typique de cette fin de décennie.
    Je me souviens bien d'avoir adoré ces pochettes où les Ecossais de The Wake utilisaient les peintures d'El Lissitzky, à savoir le maxi Something outside, de 1983, orné de l'œuvre Battez les blancs avec le coin rouge, et puis sur l'album Here Comes Everybody (ici ré-édité dans un beau coffret où El Lissitzky est une fois de plus à l'honneur), et j'ai pu, au fil du temps, retrouver souvent des pochettes d'albums influencées ou utilisant carrément des peintures de cet artiste russe, comme par exemple l'album Die Mensch Maschine (1978) de Kraftwerk, B-2 Unit (1980) du Japonais Riuichi Sakamoto ou, plus proche de nous, sur le maxi This Fffire (2004) des - eux aussi écossais! - Franz Ferdinand.
    Je me souviens aussi d'avoir toujours trouvé que Here comes everybody pèche par excès de synthé, ce qui le rend un peu difficile d'écoute parce que daté, mais il y a quelques perles dessus, notamment le titre éponyme et son ambiance première mouture de New Order - l'album Movement de 1981, ou plus encore la peel session de 1982 contenant les titres 5-8-6 ou Turn the Heater On, géniaux! -, une ambiance froide et répétitive, une basse dub, une voix lointaine, et un texte qui me fait penser à la fois au Blue Monday de New Order et au Sunday morning du Velvet Underground, magique...

    "The river runs into the sea
     The sun must shine today
     As my imagination is about to slip away
     Milk and honey waiting for me on the other side
     It's early in the morning
     And I thought I heard you
     I miss you
     I miss you"

    Parler du passé, c'est aussi parfois rentabiliser celui-ci. Peter Hook, bassiste de Joy Division puis New Order, l'a fait : livre inintéressant intitulé Unknown Pleasures - Joy Division vu de l’intérieur, qui suit le fil narratif du film d'Anton Corbijn sur Ian Curtis (Control), ainsi que celui sur le label Factory (24hours party people), mal écrit, ronflant, prétentieux (New Order aurait inventé la techno et personne comme "Hooky" ne joue de la basse comme ça - ben voyons), suivi d'une tournée où il joue et chante la totalité du permier album de Joy Division, allant même jusqu'à vendre sur Ebay des 45tours du groupe en immitant la signature de Ian Curtis, 45tours dont il est bon de signaler qu'ils sont parfois parus après la mort du chanteur... mais passons. Bernard Sumner échappe heureusement au côté "bancable" des souvenirs et de la mémoire (sélective) en plaçant son livre non pas dans le genre chronologique  - en 1979 on a fait ça, puis en 1980 ça, etc, ce qui peut-être très ennuyeux - mais plutôt sous une forme thématique. Certains passages de New Order sont ainsi ignorés (on passe très vite sur le premier album par exemple), au profit de détails plus intéressants et surtout plus personnels. J'ai beaucoup aimé lorsqu'il signale cette discussion avec Ian Curtis durant l'enregistrement de Closer, où le chanteur donna quelques signaux de détresse à Bernard en lui expliquant qu'il était à bout, et qu'il aimerait parfois tout arrêter pour aller travailler dans une librairie. C'est aussi toujours intéressant de suivre l'évolution d'un groupe. New Order a d'abord dû survivre à la mort de Ian Curtis et à la fin abrupte de Joy Division, a voulu se détacher de la production de Martin Hannett, puis a désiré plus que jamais (ils l'avouèrent eux-mêmes dans les années 2000) avoir un second Blue Monday, mais n'ont jamais vraiment réussi un tel succès. Ce Chapter and Verse de Bernard Sumner a donc le mérite de l'honnêteté, on y trouve de belles photos, c'est aussi un magnifique hommage à Ian Curtis, et la lecture est agréable (ce n'est pas encore traduit en français, avis aux éditeurs Allia, Camion Blanc, le Mot et le reste...). J'adore le passage des influences, où l'on remarque que le son d'un groupe n'est jamais vraiment "révolutionnaire" mais découle de multiples influences et d'un long travail (Joy Division doivent eux beaucoup à l'album The Idiot d'Iggy Pop, à la chanson Dirt des Stooges ou encore au titre Negativland de Neu!).

    "I'd become interested in electronic music back in the Joy Division days. As a band, we loved Kraftwerk, the inventivness they had, and we'd play "Trans-Europe Express" through the PA before we went on stage. But we were also into disco records by people like Donna Summer and Giorgio Moroder, anything they had a new sound and felt like it was looking forward. We still loved guitars, too, though : The Velvets, Lou Reed, David Bowie, Neil Young and Iggy Pop. The first time I went round to meet Ian at his house after we gave him the singer's job, he said, "Fucking listen to this", put a record on, and the song was "China Girl" by Iggy Pop from The Idiot. He said it had just come out and I thought it was fantastic. There was also the stuff that went back to my youth-club days : The Stones, Free, Fleetwooc Mac, Santana, Led Zep, The Kinks.
     Then Bowie produced the trilogy of albums he made in Berlin, which was infused with a cold austerity, something we could relate to living in Manchester, a place with a very similar vibe. We also liked the B-side of "Heroes" and "Low", pieces of electronic music he'd created along with Brian Eno. I loved it. It was a whole new kind of music to me, one that was moving things on, looking to the future, not the past.
     All these influences were converging at roughly the same time as the equipment was becoming available to put them into practice. I'd experimented with synthetizers with Joy Division, on occasion with Martin Hannett, and has a string synthetizer myself, an ARP Omni II, which i bought because I liked to look of it : I didn't really care what it sounded like. As it happened, it was a string synthetizer, which was fortunate, because I wanted one and it was the only affordable synth on which you could play more than one note at the same time. Most synths at the time were super-expensive, way out of my price range, but one day I saw a magazine called Electronics Today that had a picture of a synthetizer on the front and the legend, "Build this for £50" written over the top of it. I bought the magazine and the kit and from three months stayed up really late putting together my Transcendent 2000. I'd put a film on the TV, usually 2001 or A Clockwork Orange, or a film from the 1940s. I loved the films of Powell and Pressburger ; they were the sort of films I could turn the sound off and have these great images playing ino the night as I soldered away, music on the background."